« Sérieuse et évolutive, mais maîtrisable » : le Dr Samir Abdelmoumen résume ainsi la situation en Tunisie. La jeune démocratie fut pourtant la première des cinq nations qui composent le Maghreb arabe à maîtriser la pandémie. Au point d’être le seul pays de la région à rouvrir ses frontières le 27 juin, « une décision politique et non scientifique », précise-t-il. Au Maroc, situation inverse : l’état d’urgence sanitaire a été prolongé, les frontières demeureront fermées jusqu’au 10 septembre au minimum. Le nombre de cas enregistrés chaque jour par Rabat est six fois supérieur au plus haut du mois d’avril. À Alger, la situation est jugée « stable », malgré des chiffres trois fois supérieurs à ceux pointés en avril. Le pays est confronté à une flambée des cas depuis début juillet.
Vives préoccupations au Maroc
Si l’Algérie monopolisait les inquiétudes, Rabat a désormais le leadership en la matière. Saïd Ahmidouch, wali de la région de Casablanca-Settat, première région du pays, concentrant 20 % de la population et près de 30 % du PIB, affirmait il y a peu que la région vivait une « situation particulièrement difficile », flirtant avec les 400 cas par jour. Celui qui est également gouverneur de la préfecture de Casablanca expliquait que les malades arrivaient trop tardivement dans les hôpitaux. Plusieurs facteurs expliquent cette envolée : une partie du tissu industriel a poursuivi son activité, le système de soins est inégalement réparti sur le territoire, le délai entre une suspicion de cas et le résultat du test atteint sept jours.
Au nom du décret-loi relatif à l’état d’urgence sanitaire, des responsables d’une unité de production de conserves de poisson à Safi, ville fichée au bord de l’océan Atlantique à quasi-équidistance de Casablanca et de Marrakech, sont poursuivis pour ne pas avoir respecté les règles de sécurité au sein de l’usine. Le nombre de cas détectés a été multiplié par trois depuis le 1 juillet (passant de 12 000 à 38 000 au 13 août), 584 décès contre 228 au 1 juillet. Un médecin affirme que « l’accès à la santé est inégal, que la vie n’est pas la même si l’on habite à Casa où dans la région du Rif ». Quid du virus pour ces derniers ? 30 % des médecins (public et privé) sont concentrés dans la région de Casa-Settat. Le 12 août a été la pire journée qu’ait enregistrée le royaume chérifien depuis le début de la pandémie : 1 499 nouveaux cas, 23 morts en 24 heures. Des mesures pour accélérer les tests vont être instaurées. Le pays compte 36 millions d’habitants.
Algérie : le personnel médical durement affecté
Depuis le 10 juillet, la puissance régionale comptabilise près de 500 nouveaux cas par jour. Le président du Conseil de l’ordre des médecins, Mohamed Bekkat Berkani, déclare dans une interview accordée au quotidien Liberté : « Les chiffres sont plutôt stables, nous évaluons entre 500 et 600 nouveaux cas par jour et nous ne pouvons pas parler d’une deuxième vague. » À titre de comparaison, début mai, le pays comptait 200 cas par jour ; une centaine en juin. Ils sont nombreux à estimer que « les citoyens n’acceptent pas les recommandations de leurs gouvernants », qui semblent n’être jamais en phase.
Pour le DAbdelmoumen, « le système de santé est incompréhensible : pays riche, peuple pauvre ». Il note qu’il y a eu « beaucoup de morts parmi le personnel soignant, dont une grande part chez les médecins libéraux, preuve qu’ils ne bénéficient pas du matériel de protection ». Une pénurie de masques FFP2 a été signalée ces jours-ci. Le personnel soignant reçoit difficilement cet élément de protection indispensable. En tout, 70 médecins et infirmiers sont morts du virus et près de 4 000 ont été contaminés. Au plus haut niveau de l’État, on désigne la saison des mariages comme un des facteurs expliquant cette hausse. Les autorités ont cependant décidé de rouvrir le 15 août les mosquées de plus de 1 000 places ainsi que les plages surveillées, les cafés, les restaurants, les espaces de détente et de loisirs. L’Algérie, 43 millions d’habitants, totalise 37 187 cas depuis le début de la pandémie. Et 1 341 décès.